Théophraste des Odeurs mis de Grec en nostre langue françoyse avec annotations des lieux plus notables et difficiles avec l’histoire de quelques Plantes.
Par J. de l’Estrade
À Paris, chez Guillaume Guillard, rue Saint Jacques, à l’enseigne Sainte Barbe. 1556.
In-12 de 93x140mm, demi veau avec plats en papier marbrés, dos à 5 nerfs, pièce de titre dorée. Gardes, frontispice, 64ff., garde.
Première édition française du De Odoribus de Théophraste qui est le VIIIème livre de son De causis plantarum (Causes des plantes). C’est la première édition du De Odoribus imprimé seul.
Édition très rare, le worldcat n’en recense que deux exemplaires.
Le De causis plantarum ( IIIᵉ siècle av. J.-C) nous a été transmis par l’intermédiaire de plusieurs manuscrits dont le célèbre Vaticanus Urbinas graecus 61 qui, comme son nom l’indique, se trouve aujourd’hui au Vatican, après avoir appartenu au duc d’Urbino.
(Suzanne Amigues. L’épisode crétois dans l’histoire du Vaticanus urbinas graecus 61. 2015)
L’édition princeps du texte fut inclus dans l'édition des œuvres complètes d'Aristote et de Théophraste publiée par Aldus Manutius à Venise en 1497.
Le livre commence par une lettre à monseigneur L’Aubespin suivi d’une agréable note au lecteur dans laquelle Jean de L'Estrade nous explique, entre autre, ses motivations dans la traduction du texte :
[...] ayant pris en main Theophraste des senteurs, après l’avoir lu et relu plusieurs fois, j’en ai trouvé tant de senteurs odoriférantes que je pensais être totalement parfumé sans avoir mis sur moi aucune senteur artificielle, ce qui m’a fort incité à le traduire en notre langue vulgaire selon ma petite capacité.
Après cette note au lecteur vient le texte traduit et accompagné d'annotations de L’Estrade. Le livre se présente sous la forme de soixante-neuf sections, avec une introduction à l’analyse philosophique des odeurs, puis une description et étiologie des propriétés odoriférantes, techniques de l’artisanat des parfums, usages médicinaux et domestiques des substances aromatiques.
La seconde partie du livre est une explication et analyse de chacune des soixante-neuf sections, page à page, avec des applications concrètes des principes de Theophrastes sur des recettes d’apothicaire. Voici quelques exemples :
Avec le vin. Folio 10
Anciennement en d’aucuns lieux au temps de vendanges, on avait coutume en faisant le vin d‘y mêler des fleurs & senteurs de sorte que depuis il semble qu’on a retenu ce langage, la fleur du vin, de cette coutume la.
Melinon. Folio 16
L’onguent se compose encore aujourd'hui de pomme de coing. Lesquelles les apothicaires coupent et broient puis les mettent dans de l'huile devant le soleil seulement et l’appelle oleum-cytoniorum. Il n’y entre point de choses aromatiques comme le temps passe.
Avec de la myrrhe. Folio 24
Théophraste semble vouloir signifier que l’onguent & odeur de la myrrhe est plus odorante quand on la broye, ou qu’il n’est après ou autrement. Outre cette chaleur bénigne excitée en la myrrhe, quand on la passe par le feu, fait que l’onguent ainsi mêlée, se tempère.
On sait très peu de choses sur Jean de l’Estrade, sa référence à la Gascogne lorsqu’il loue François Roier dans sa préface dédiée à Claude de L’Aubespin, auditeur des comptes, nous amène à le relier à un Jean de l’Estrade, écuyer, seigneur de la Cousse (Périgord), négociant avec le roi de Navarre pour le rachat de la paroisse de Coulaures en 1544. D’après les archives départementales de la Haute Vienne (5 F
Fonds Auguste Bosvieux p.102).
L’imprimeur de cette édition, Guillaume Guillard est le neveu de Charlotte Guillard, une figure majeure du monde de l’imprimerie de la Renaissance.
Elle dirigea l’imprimerie du Soleil d’Or et domina le marché de l’édition juridique et des Pères de l’Église de son temps [...] Associant dans un même projet intellectuel les théologiens les plus conservateurs et les lettrés les plus épris de nouveauté, sa production témoigne de la vivacité des débats qui agitent les milieux intellectuels au siècle des Réformes.
(Rémi Jimenes. Charlotte Guillard. Une femme imprimeur à la Renaissance. Presses universitaires François-Rabelais. 2017)
En 1556, on sait que Guillaume Guillard possédait sa propre librairie, à l’adresse rue Saint Jacques à l’enseigne Sainte Barbe, adresse qu’il partagea avec son beau-frère Thomas Bellot.
Il signa des éditions pour le Soleil d’Or et des co-éditions avec son beau-frère Thomas Belot et en son nom propre à l’adresse rue Saint Jacques à l’enseigne Sainte Barbe.
Le Théophraste des Odeurs fait parti des rares livres imprimé uniquement par Guillaume Guillard que nous ayons trouvé lors de nos recherches.
Livre absent chez Brunet, La Caille et Renouard Philippe, seul Graesse VI. 127 fait mention de cette édition française.
Une version latine universitaire intégrant une analyse d’Adrian Turnebo a été imprimée la même année à Paris chez Michel de Vascosan (Graesse VI. 127) :
https://www.digitale-sammlungen.de/en/view/bsb10151002?page=,1
Cette édition comprend le texte traduit en latin, une partie analyse puis le texte en grecque.
État : reliure frottée, usée et fragile. Restauration d’un manque sur la page de titre, bon état intérieur.
